mercredi 12 février 2014

ET SI L’ALTRUISME ETAIT NOTRE PLUS GRANDE FORCE ?

ET SI L’ALTRUISME ETAIT NOTRE PLUS GRANDE FORCE ?

J’ai décidé de consacrer le #JourDuPenseur de ce dimanche au dernier livre de Matthieu RICARD intitulé « Plaidoyer pour l’altruisme – La force de la bienveillance », un pavé de 777 pages qui se lit très simplement, et dont les 120 pages de notes additionnelles témoignent de la volonté de démontrer quasi scientifiquement que le fondement et le destin de l’homme n’est pas d’être égoïste, mais altruiste. J’avais déjà eu l’occasion de consacrer cette rubrique à la notion d’empathie, en particulier au travers des livres de Serge Tisseron, « L’empathie au coeur du jeu social » (voir mon post « Et si on réveillait l’empathie ?« , et au livre de Jeremy Rifkin (« Une nouvelle conscience pour un monde en crise – Vers une civilisation de l’empathie ») dans le post  » Et si l’empathie était plus que jamais le moteur de notre civilisation ?« . Matthieu Ricard, célèbre chercheur en génétique cellulaire devenu moine bouddhiste et interprète du Dalaï-Lama, tente une approche multidisciplinaire de l’altruisme, au carrefour de la philosophie, de la psychologie, des neurosciences, de l’économie et de l’écologie pour nous démontrer que l’altruisme n’est ni une utopie, ni un voeu pieu, mais une nécessité, voire une urgence pour résoudre nos problèmes d’aujourd’hui et anticiper ceux de demain.

 « L’altruisme est maléfique… L’homme ne doit avoir d’estime que pour lui même… L’altruisme est immoral parce que l’on vous demande d’aimer tout le monde sans discrimination… Vous ne devez aimer que ceux qui le méritent. » déclarait Ayn Rand en 1959, citée par Matthieu Ricard. Cette citation pourrait sembler remarquablement cohérente : en effet, chacun de nous cherche à vivre, et afin de vivre, d’être heureux. Or le meilleur moyen d’être heureux n’est-il pas de se conscrer exclusivement à ses propres besoins ? En d’autres termes, n’avons nous pas vocation à être égoïstes ? Pour Matthieu Ricard, la voie principale du bonheur est, au contraire, de ne penser d’aux autres. En effet, il a non seulement été démontré par les chercheurs en sciences sociales qu’être altruiste rendait plus heureux qu’un comportement égoïste, mais en plus, et contrairement à ce que suggèrent Rand ou Nietzche, l’altruisme n’implique ni lâcheté ni sacrifice. Pour rejeter l’apparente douleur sacrificielle de l’altruisme, Ricard évoque le cas d’un indien (Sanjit « Bunker » Roy), qui, fils d’une riche famille et brillant scolairement décida pourtant d’abandonner ses études afin de passer sa vie à aider les populations défavorisées indiennes à se développer. Et celui-ci, après 40 ans, n’a jamais tenté de retourner à son milieu d’origine ou de reprendre ses études : son action semble lui avoir permis d’atteindre un bonheur certain, bien supérieur au bonheur égoïste. Quant à l’aveuglement, la lâcheté de l’altruisme, âprement reproché par Nietzsche, Matthieu Ricard préconise au contraire d’être parfaitement clairvoyant : « L’altruisme doit être guidé par la lucidité et la sagesse. Il ne s’agit pas d’accéder inconsidérément à tous les désirs et caprices des autres. L’amour véritable consiste à associer une bienveillance sans limite à un discernement sans faille. » (en distinguant, par exemple, les gains à court et long terme pour autrui de notre intervention).

Dès lors, l’altruisme semble s’imposer comme une valeur personnelle inévitable. Cependant, il ne s’agit pas (seulement) de ne pratiquer l’altruisme qu’avec les individus nous étant spontanément sympathiques. Tout l’enjeu, et toute la difficulté, est de l’appliquer inconditionnellement. Nous devons être parfaitement impartiaux, et avoir autant de compassion et d’empathie pour notre pire ennemi que pour notre meilleur ami. Celles-ci sont en effet indispensables pour devenir altruistes, car elle nous permettent de comprendre et d’identifier la souffrance d’un individu. Pour Matthieu Ricard (qui reprend là la conception bouddhiste), les êtres souffrent par ignorance, victimes d’une vision faussée du monde, qui, disproportionnée, les blesse à tous les instants. L’empathie est la clé nous permettant d’accéder à la souffrance d’autrui. Il importe cependant de nous méfier de la détresse empathique (ressentir si intensément la souffrance d’autrui qu’elle nous amène à nous replier sur nous même) : il faut arriver à « prendre conscience des besoins d’autrui et à éprouver ensuite un sincère désir de lui venir en aide. » Grâce à cette empathie, et en sachant, via un amour sincère d’autrui, surmonter la peur (« l’amour ne craint rien ni personne. Il tranche la peur à sa racine même. » – Gandhi), nous pouvons rendre un monde altruiste possible, nous débarrassant ainsi de la jalousie, l’écrasement social, … et entrant dans un univers lucidement et profondément favorable à l’autre. Si l’altruisme est le moyen d’accéder au bonheur individuel, il est aussi, pour Matthieu Ricard, la voie dont l’économie a besoin. Plaidant pour une économie positive et solidaire, Matthieu Ricard prône l’innovation au service du bien commun et appelle à une consommation raisonnable et raisonnée. Il prône également l’altruisme envers les générations futures, en mettant en évidence l’injustice des changements environnementaux, le réchauffement climatique touchant des pays déjà touchés par la maladie et la pauvreté. Une révolution verte est nécessaire pour nourrir toute la planète sans détruire la biosphère. Rejoignant les réflexions du Collegium International (cliquer ici) et de Jacques Attali (cliquer ici), Matthieu Ricard appelle à une prise de conscience au plus haut niveau de l’interdépendance, et à une refonte de la gouvernance mondiale. Comme le disait le philosophe Bertrand Russell :  » La seule chose qui va racheter l’humanité est la coopération ». Mais s’il faut promouvoir l’altruisme au niveau de la société, c’est au niveau de chaque individu que tout commence : c’est au plan individuel qu’il nous revient de cultiver l’altruisme. A chacun d’entre nous de relever ce défi !
Compléments http://www.dailymotion.com/video/x157u67_matthieu-ricard-l-altruisme-est-une-urgence-pour-le-monde_news

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